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[Le Temps] Portrait de Jérôme Félicité

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Jérôme Félicité, la passion de l'immobilier

De la fenêtre de son bureau, Jérôme Félicité peut observer le ballet des grues sur un des plus grands chantiers de Suisse. Le quartier de l’Etang, c’est son nom, fera le lien entre le centre de Genève et l’aéroport de Cointrin. Il se profile aussi comme un laboratoire urbain qui accueillera une dizaine de milliers de personnes à l’horizon 2023. «Ce n’est pas tous les jours qu’on peut être associé à pareille réalisation», raconte le patron de Gerofinance, qui regroupe les marques Barnes Suisse, Régie de la Couronne et Régie du Rhône.

Dans sa bouche, les mots de mixité et de diversité résonnent comme un leitmotiv. Ce nouveau pôle genevois regroupera en effet des surfaces commerciales, des hôtels, du logement en location et en copropriété, une école, des espaces récréatifs… On chauffera le quartier avec l’eau du lac. Le tram, le bus et le Léman Express récemment inauguré en assureront la desserte. Un parking de 1000 places, mais mutualisé, complète l’offre de mobilité. Ce qui vaut à l’Etang le label de cité à 2000 watts.

Un quartier, un vrai, donc. Avec plusieurs îlots, qui ont fait l’objet d’un concours d’architectes. Jérôme Félicité et son associé l’homme d’affaires Claude Berda, qui amène le financement du projet, en assurent la construction et la future gestion. Les premiers immeubles seront livrés l’an prochain. Ils pallieront une cruelle pénurie de logements. Mais en partie seulement: «Nous aurions pu vendre les 300 appartements en copropriété trois ou quatre fois», poursuit-il.

ADN suprarégional

Quatre cents des quelque 600 collaborateurs du groupe déménageront d’ailleurs bientôt sous un seul toit dans ce même quartier de l’Etang. Ce sera l’occasion de réinventer les espaces de travail pour coller aux nouvelles exigences de la branche. Les métiers de l’immobilier doivent s’adapter aux aspirations des générations montantes. Celles des collaborateurs comme celles des clients. La numérisation et la durabilité jouent ainsi un rôle croissant et le phénomène de concentration n’est pas près de s’arrêter. Et si la taille des entreprises n’est pas un objectif en soi, elle constitue néanmoins l’une des réponses aux défis à venir.

L’immobilier est d’abord une affaire de famille, et Jérôme Félicité est tombé dedans quand il était petit. Son père, Pierre, a été jusqu’à son décès en 2017 un fédérateur du secteur et l’un des défenseurs de la copropriété depuis les années 1960. Un promoteur qui préférait d’ailleurs se qualifier de développeur. Un visionnaire. «Il avait une fibre sociale très présente», raconte son fils. Cet héritage, il l’assume avec conviction comme d’ailleurs un ADN suprarégional marqué. Education au Collège de Saint-Maurice en internat. Puis études à l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL). Deux établissements qui lui ont apporté un solide réseau de relations dans tous les cantons romands.

Aujourd’hui, le groupe Gerofinance est actif aussi bien à Genève qu’en Valais, à Neuchâtel, à Fribourg, à Lausanne ou sur la Riviera vaudoise. Une vingtaine d’agences en tout. Sans oublier Zurich. «Je me qualifie volontiers de voyageur de commerce de l’immobilier, toujours entre deux villes. Ce qui ne me gêne pas, bien au contraire. Cette diversité est enrichissante. Je plains les collègues qui ne sont jamais sortis de leur canton.»

Grand stratège du groupe, il se targue d’être aussi un généraliste capable d’assurer un état des lieux, un contrat de courtage, la présidence d’une assemblée de copropriétaires… Bref, les bases du métier. Formé chez son collègue De Rham & Cie à Lausanne, il a rejoint son père en 2006 à l’occasion de la reprise de la Régie Dunand et trouvé avec lui un modus vivendi qui s’est révélé fructueux. Même si, pour ces deux forts caractères, ce ne fut pas toujours une relation facile: «Sur une échelle de 1 à 10, je nous donnerais une note de 5», résume-t-il en homme de chiffres. Et ce n’est pas pour rien qu’il revient sans cesse sur les deux principaux défis de la branche: la réinvention des services et des métiers de l’immobilier, mais aussi l’alchimie de la transmission des entreprises.

Petit retour sur image: en 2011, Pierre et Jérôme Félicité ont repris la Régie de la Couronne et lancé avec un partenaire leur propre entreprise générale, Edifea, qui fait désormais concurrence aux leaders HRS et Implenia. Avant de faire monter à bord Claude Berda, propriétaire de 50% des actions du groupe.

L’art de la transmission

Pour les Félicité, la transmission passe aussi par le sport: «Mes deux filles et mon fils sont très ski. Et le dernier, âgé de 11 ans, m’accompagne volontiers en peau de phoque. Il est motivé par les activités physiques comme je l’étais moi-même à son âge. Et montre déjà de l’intérêt pour ce qui se passe au travail.» De ses années à Saint-Maurice, Jérôme Félicité garde un «besoin viscéral de Valais». Et c’est d’ailleurs dans le chalet familial de Crans-Montana qu’il se ressource et cultive son équilibre familial. Avec sa femme Silvia, de formation bancaire, il partage de nombreux projets privés et professionnels. «Soyons clair, sans elle, je ne pourrais pas faire tout ce que je fais.»

On ne quittera pas le bureau de Jérôme Félicité sans évoquer les perspectives du secteur pour les trois ou quatre prochaines années. Malgré les incertitudes économiques, il se montre plus optimiste que certains confrères. La demande de logements, en tout cas dans plusieurs régions de Suisse romande, ne faiblit pas. L’immobilier reste une classe d’actifs privilégiée par les investisseurs. Donc pas de surchauffe à court terme. «C’est comme dans tous les secteurs, y compris celui du commerce de détail: ceux qui ont pris le virage numérique se portent assez bien. Les autres souffrent. Le monde n’en finit pas de bouger. Nous vivons une époque passionnante.»

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